Dès l’âge de 14 ans, Benjamin El Doghaïli se sait prédestiné au design d’objet.
Ce n’est donc pas tout à fait un hasard si, une fois son bac en poche – et un solide dossier artistique sous le bras –, il quitte sa ville natale de Toulouse pour intégrer à Paris la prestigieuse et très sélective école Penninghen. Il quitte cet établissement au bout de trois ans, l’enseignement qu’il y trouve lui semblant peu adapté à sa manière de penser, qu’il veut affranchie de dogmes trop pesants.
Qu’à cela ne tienne, il élargit son spectre et intègre l’école d’architecture de Versailles puis celle de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris- Malaquais dans la prestigieuse enceinte des Beaux-Arts de Paris où il passe quatre ans entouré des meilleurs intervenants – architectes, bien entendu, mais aussi philosophes, historiens, sociologues – à se former de manière précise et expérimentale à cet art exigeant qui exige à la fois rigueur de la pensée et émancipation vis-à-vis des codes.
Le design semble loin, Benjamin est maintenant engagé dans ce qu’il nomme lui- même « l’architecture pure et dure », mais voilà qu’au détour d’un stage, son destin le rattrape. Dans le cadre d’un projet de rénovation de l’hôtel Montana à Saint- Germain-des-Prés, les architectes Élisabeth Lemercier et Philippe Dona le présentent à l’extravagant designer Vincent Darré, dont le Tout-Paris ne cesse de vanter les créations surréalistes et innovantes.
Les deux hommes s’entendent à merveille. Benjamin rejoint le studio Darré, où il renoue avec sa passion première : le meuble, ici intégré au décor. Il y apprend surtout à penser différemment et à élargir le champ des possibles. Vincent Darré n’a-t-il pas lui-même été l’assistant de Karl Lagerfeld et le Directeur Artistique de la maison Ungaro avant de lancer son propre studio ? C’est sans doute à ses côtés que Benjamin découvre la manière d’abolir les barrières intellectuelles qui séparent encore l’architecture de toutes sortes de domaines artistiques et parmi eux le design.
Quand vient l’heure pour les deux artistes de se séparer, Benjamin fait la connaissance de Philippe Starck qui, connaissant son travail, lui donne le meilleur des conseils : « Ne venez pas chez nous, vous risquez peut-être de vous ennuyer, allez plutôt voir Jalil Amor. » Jamais conseil ne fut aussi avisé pour Benjamin. C’est le coup de foudre professionnel entre les deux hommes. Jalil vient de rentrer du Brésil pour créer le Mama Design Studio à la demande de la famille Trigano qu’il connaît bien pour avoir été au Studio Starck le chef de projet en charge de leurs hôtels. Benjamin apprend tout de Jalil, en particulier à aborder les aspects les plus techniques du design, liant de façon irrémédiable son goût des objets à son expertise d’architecte.
Pendant deux ans, Jalil Amor lui enseigne la manière de s’approcher au plus près de la matérialité des objets, non seulement à les imaginer mais surtout à leur donner vie et pérennité. Les hôtels de Prague, Lille, Luxembourg naissent de ce travail à quatre mains. Quand Jalil disparaît, Benjamin perd à la fois un ami et un mentor. À la demande de la famille Trigano, il accepte, à seulement 32 ans, de relever le défi insensé de reprendre la direction du studio.
Peu à peu, Benjamin s’émancipe, constitue son équipe, nourrit son imaginaire, trouve sa voie. L’immense succès du Mama Shelter à Rome, puis celui de Lisbonne et de Paris la Défense laissent augurer les plus beaux espoirs de réussite pour les projets qui fourmillent aujourd’hui dans ses tiroirs et dans sa tête.
At the age of 14, Benjamin El Doghaïli knows he is destined to design objects.
It is therefore no coincidence that, once his baccalaureate in his pocket – and a solid artistic file under his arm – he leaves his hometown of Toulouse to join the prestigious and very selective Penninghen school in Paris. He leaves this establishment after three years, as the teaching he finds there seems to be ill-suited to his way of thinking, which he wants to be freed from too heavy dogmas.
Never mind, he widens his spectrum and joins the School of Architecture of Versailles then that of the École Nationale Supérieure d'Architecture de Paris- Malaquais in the prestigious Beaux-Arts de Paris where he spends four years surrounded by the best teachers – architects, of course, but also philosophers, historians, sociologists – to study in a precise and experimental way this demanding art which requires both rigor of thought and emancipation from codes.
Design seems far away, Benjamin is now engaged in what he himself calls "pure and hard architecture", but suddenly, at the turn of an internship, his destiny catches up with him. As part of a renovation project for the Hotel Montana in Saint-Germain- des-Prés, the architects Élisabeth Lemercier and Philippe Dona introduce him to the extravagant designer Vincent Darré, whose Tout-Paris never ceases to praise the surreal and innovative creations.
The two men get along wonderfully. Benjamin joins the Darré studio, where he reconnects with his first passion: furniture, here integrated into the decor. Above all, he learns to think differently and to expand the field of possibilities. Wasn't Vincent Darré himself Karl Lagerfeld’s assistant and the Artistic Director of Ungaro before launching his own studio? It is undoubtedly at his side that Benjamin discovers the way to abolish the intellectual barriers which still separate architecture from all kinds of artistic fields and among them design. When the time comes for the two artists to separate, Benjamin meets Philippe Starck who, knowing his work, gives him the best advice: “Don't come to our house, you might be bored, go rather see Jalil Amor.”
Never was advice so wise for Benjamin. It's love at first sight between the two men. Jalil has just returned from Brazil to create the Mama Design Studio at the request of the Trigano family, whom he knows well, having been the project manager in charge of their hotels at Studio Starck. Benjamin learns everything from Jalil, in particular how to approach the most technical aspects of design, irremediably linking his taste for objects to his expertise as an architect.
For two years, Jalil Amor teaches him how to get as close as possible to the materiality of objects, not only to imagine them but above all to give them life and durability. The hotels of Prague, Lille, Luxembourg were born from this four- handed work. When Jalil disappears, Benjamin loses both a friend and a mentor. At the request of the Trigano family, he accepts, at only 32 years of age, to rise to the insane challenge of taking over the management of the studio.
Little by little, Benjamin emancipates himself, builds his team, feeds his imagination, finds his way. The immense success of Mama Shelter in Rome, then that of Lisbon and Paris la Défense augur well for the projects that are now swarming in his drawers and in his head.